MOBILIER ET OBJETS RELIGIEUX
CATALOGUES COMMERCIAUX DES XIXe ET XXe SIÈCLES



MCC – SDARCHETIS
octobre 2008








Introduction



La  richesse  de  l'enquête sur  les  catalogues  commerciaux,  réalisée par  Isabelle  Saint-Martin en 2002,  à la  demande
d' Hélène Verdier et d'Aline Magnien, justifiait qu'elle soit reprise, complétée et actualisée afin d'être mise en ligne. Nous avons souhaité l'enrichir des illustrations des catalogues commerciaux conservés dans les archives de la Sous-direction de l'archéologie, de l'ethnologie, de l'inventaire et du système d'information (SDARCHETIS).


Il a fallu, avant tout, homogénéiser les notices en répartissant leur contenu dans des rubriques spécifiques, vérifier certaines informations et les préciser avec l'aide des centres de documentation des services régionaux de l'Inventaire général du patrimoine culturel, enfin enrichir la documentation par la consultation d'ouvrages non disponibles en 2002, sans vouloir atteindre une impossible exhaustivité.


La présentation actuelle réunit des informations sur cent-soixante-dix entreprises classées par ordre alphabétique qui sont toutes présentées selon le même schéma : activité principale, adresse, historique, liste chronologique des catalogues d’une même maison accompagnés éventuellement d’indications sur leur contenu réunies en notes. Une dizaine de fabriques peu documentées ont été mises en fin de catalogue pour éviter de perdre une information lacunaire à ce jour mais qui ne demande qu'à être enrichie. L'index présente de nombreux renvois prenant en compte les noms officiels mais aussi les noms courants d'une même fabrique pour permettre une navigation aisée. Enfin, des liens vers des notices d’œuvres (Base Palissy) sont envisagés afin d'enrichir cette documentation d'un regard sur des oeuvres conservées et documentées issues des entreprises référencées.

A ce jour, 5 catalogues sont en ligne, mais ce site pourrait recevoir des illustrations des catalogues conservés par d'autres institutions et par les services régionaux de l'Inventaire général du patrimoine culturel, afin de permettre l'accès au plus grand nombre d'une documentation souvent difficile à consulter. Des compléments d'information, des catalogues nouvellement acquis peuvent trouver leur place dans ce recensement que la mise en ligne permet de compléter régulièrement au gré des découvertes.


Laurence de Finance
Conservateur en chef du patrimoine

octobre 2008






Remerciements


Cette étude, initiée par Isabelle Saint-Martin, a tiré profit de nombreux renseignements fournis par Catherine Arminjon, Bernard Berthod, Mlle Blondel, Michèle Bonnard, Maryannick Chalabi, Bénédicte Colas-Bouix, Mme Deblock, J. Durand, S. Forestier, Catherine Guillot, Denise Glück, Jean-François Luneau, Laure de Margerie, Anita Oger-Leurent, C. Rouillard, ainsi que les chargés d'études documentaires des services régionaux de l'Inventaire général du patrimoine culturel.

Elle a bénéficié de la relecture minutieuse de Renaud Benoit-Cattin, Françoise Cosler, Catherine Gros, Laurence de Finance, Aline Magnien, Hélène Verdier.

La mise en forme et l'homogénéité du document ont été confiées à Françoise Cosler.

Jean-Marie Besnier, Françoise Cosler, Alain Dagand, Laurence de Finance, Anne-Claire Viron-Rochet ont contribué à la mise en ligne des illustrations.







Liste des abréviations



BnF = Bibliothèque nationale de France (Paris)
DRAC = Direction régionale des Affaires culturelles
éd. = édition
ill. = illustration
Impr. = Imprimerie
inv. = numéro d’inventaire
MCC = Ministère de la culture et de la communication
n.d. = non daté
p. = page
pl. = planche
s. = siècle
SDAP = Service départemental de l’architecture et du patrimoine
SDARCHETIS = Sous-direction de l’archéologie, de l’ethnologie, de l’inventaire et du système d’information
s.l.n.d. = sans lieu ni date










L'enquête






I. Objectifs de l’étude réalisée en 2002



Le catalogue commercial, en dépit des limites qui seront précisées plus loin, est de toute évidence un outil précieux pour l’analyse des objets du patrimoine religieux. Depuis plus d’une dizaine d’années, des journées de formation consacrées à l'étude de ce patrimoine ont attiré l’attention sur l'utilité de ces ouvrages auxquels de nombreux chercheurs ont recours. Néanmoins, la situation reste inégale, certaines régions possèdent en la matière des fonds relativement riches, ou font appel à des reproductions, d’autres sont moins bien servies. Si nombreux qu’aient pu être les catalogues commerciaux au XIXe siècle, peu sont conservés, les originaux, sur papier acide, étant fragiles. L’accès et la connaissance de ces fonds sont, de fait, souvent limités à ceux qui étudient de façon précise une maison et sa production alors que ces recueils de modèles pourraient être plus largement utilisés.

Quatre objectifs ont été fixés à cette étude :


- identifier les principaux fonds de conservation de ces catalogues afin d’en dresser un examen critique,

- établir une liste analytique qui comporte aujourd'hui près de 300 catalogues correspondant à près de 170 fabricants,

- dégager les principales caractéristiques de l’objet « catalogue commercial » en lui-même afin de contribuer à mieux cerner les contours de cette « industrie » particulière,

- sélectionner, au sein de cette abondante et inégale production, les catalogues les plus intéressants tant par l’originalité ou le caractère exceptionnel de leurs œuvres que par leur représentativité et l’importance de la diffusion de leurs modèles.


La diffusion des résultats devrait renforcer l’intérêt pour ces publications et conduira très certainement à en retrouver d'autres. Les fiches de cette liste ont vocation à être complétées par des précisions de dates ou des exemples de réalisations retrouvées, ainsi que par de nouvelles entrées de catalogues.



Limites de l’enquête



Outre l’impossible exhaustivité de ce répertoire, toujours soumis à la découverte d’un nouvel exemplaire, la forme de l’enquête en marque les limites. Généraliste, elle a eu pour ambition de cerner l’ensemble de la production d’objets et de mobilier religieux tous secteurs confondus, par le prisme de ses catalogues. Aussi est-elle nécessairement sommaire dans la présentation des résultats pour chacun des domaines d’activité concernés.

Il est certain que de futurs travaux sur la fonte d’art apporteront d’autres éléments sur les catalogues spécifiques de ce secteur, pour lequel la production religieuse n’est pas nécessairement prioritaire. Pour les vêtements et objets liturgiques, des études importantes ont déjà été menées et les spécialistes du vitrail connaissent sans doute nombre de catalogues conservés dans des fonds d’ateliers qui ont échappé à ce recensement. Enfin la statuaire a fait également l’objet de quelques investigations plus précises autour de certains fabricants (Vendeuvre, maison Rouillard…). L’intérêt de cette vision synoptique, et a fortiori plus synthétique, est de faire apparaître le « tout venant » des fabrications, le lot commun et non la création d’exception, ainsi que de mettre en évidence les liens éventuels entre ces secteurs d’activité afin de cerner l’évolution de la production à caractère religieux, notamment à travers des éléments de chronologie ou la diffusion de thèmes et modèles iconographiques.

Centrée sur les catalogues, l’enquête s’est attachée à l’état des fonds retrouvés et aux informations qui pouvaient en être extraites, elle ne considère donc pas l’ensemble de l’activité réelle. Cependant, en dépit des pertes, il est possible d’estimer que l’état des fonds donne un aperçu de la production des maisons les plus importantes par secteur d’activité. Les maisons importantes pour lesquelles aucun catalogue n’a été retrouvé correspondent à un profil spécifique qui laisse penser qu’elles n’ont peu, ou pas, eu de catalogue commercial.






II. Examen critique des fonds



Une des premières recommandations de la lettre de commande était de faire le recensement des travaux déjà conduits sur ce sujet. Aussi, la première tâche a-t-elle été de classer les archives de l’Inventaire général du patrimoine culturel et de coordonner les apports de plusieurs vagues d’enquêtes successives sur cette question menées sous la direction de Nicole de Reyniès et Nicole Blondel.

Les documents conservés témoignent de deux enquêtes successives relatives aux catalogues d’objets industriels :


Il a été décidé de reprendre d’abord l’enquête dans les fonds parisiens afin de compléter les dépouillements et d’en faire une analyse critique qui soit communicable avant de relancer l’appel aux fonds conservés en région.Les dépouillements à Paris ont permis de localiser plus d’une cinquantaine de nouveaux catalogues. Les résultats des enquêtes régionales précédentes ont tous été intégrés après vérification.

A Paris, l’intérêt des fonds n’est pas toujours proportionnel au nombre de catalogues mentionnés dans les fichiers. Ainsi le fonds de la Bibliothèque nationale, a priori le plus abondant, contient beaucoup de petites plaquettes, fascicules de quelques pages ou feuillets publicitaires qui peuvent aussi être riches d’informations… et sont donc conservés dans les dépouillements. La bibliothèque du Saulchoir en revanche, qui ne mentionne que trois catalogues Poussielgue dans son fichier, conserve en fait dans des fonds non cotés et non classés une dizaine de beaux catalogues reliés avec pour certains des reproductions en chromolithographie.



État des fonds parisiens

État des fonds en province



En dehors des catalogues, originaux ou des photocopiés, conservés dans les services de l'Inventaire général du patrimoine culturel pris en compte dans cette étude, il reste en province des fonds qui n'ont été que partiellement sollicités et qui pourraient être un réservoir potentiel. Les fonds des principaux musées d'Art sacré dont certains sont récents, sont souvent encore en cours de constitution. On trouve cependant une documentation intéressante collectée dans les musées de Dijon (Côte d'Or), de Pont-Saint-Esprit (Gard), de Mours-Saint-Eusèbe (Drôme), de Fourvière à Lyon (Rhône), pour n'en citer que quelques-uns.

Les enquêtes régionales pourraient être complétées par la consultation de fonds gérés par des associations. A titre d'exemple en Franche-Comté pourraient être consultés l'Association comtoise d'arts et traditions populaires, l'Institut d'études comtoises et jurassiennes, la chaîne des musées de l'économie et du travail.






III Aperçu analytique du répertoire



L'ensemble des recensements fait apparaître près de 300 entrées pour 170 maisons1, Ces chiffres recouvrent une grande hétérogénéité de situations : depuis la double page publicitaire (Sauris 1850, Oudinot 1853) jusqu'au gros catalogue illustré avec détails des tarifs (Val d'Osne) en passant par quelques pages photocopiées dont l'origine est imprécise. L'intérêt de ces catalogues est évidemment inégal, certains sont très répétitifs, peu ou pas illustrés, sinon par de petites vignettes, d'autres sont de très beaux albums lithographiés avec soin par des dessinateurs spécialisés.



Datation et évolution des catalogues retrouvés



La plupart des catalogues ne sont pas datés. Dans les fonds parisiens, le premier catalogue portant une date précise d'impression est celui de Choiselat-Gallien et Poussielgue-Rusand, imprimé en 1846 (BnF). Ce petit fascicule d'une cinquantaine de pages comportant plusieurs vignettes de modèles accompagnées de tarifs, est publié afin « de se défendre d'une accusation de cherté ». Poussielgue publie, en 1853, un album de 24 planches dessinées par le père Arthur Martin, en 1865, un beau volume relié de 99 planches de modèles comprenant de nombreuses indications sur les artistes et des réalisations en diverses dimensions et matériaux ainsi que leurs tarifs. Les catalogues de 1880 et 1893 ou 1900 suivent ce principe désormais établi. Le cas de cette maison, célèbre pour la qualité esthétique de ses œuvres inspirées des travaux des pères Martin et Cahier, mais aussi pour son habileté commerciale et sa capacité à adapter et à décliner les modèles de base, est ici emblématique de la répartition des fonds.

Avant 1850 ou même 1860, les catalogues sont rares, les quelques mentions renvoient à des pages publicitaires ou à quelques feuillets de tarifs. Ainsi les trois circulaires de l'orfèvre Bent, entre 1861 et 1863, qui accompagnent leur publicité d'une mise au point sur le rit romain mettant en valeur la qualité leur production. Non illustrés et minces, ces feuillets sont mal conservés. La pratique du catalogue ne se répand véritablement qu'avec la production de série d'une part et les progrès de l'illustration d'autre part. La conjonction de ces deux facteurs explique la progression chronologique du corpus. Sauf quelques beaux exemples de lithographies, les catalogues ne sont pas illustrés avant 1860, les dessins apparaissent avec la multiplication des catalogues entre 1860 et 1880.

A partir des années 1870-1880, le catalogue commercial semble devenir une nécessité et est en effet systématiquement illustré. Ceux qui ne le sont pas sont en réalité des fascicules de tarifs qui devaient accompagner un recueil de planches disparu. Inversement, dans de nombreux albums entièrement illustrés, un numéro affecté à chaque dessin renvoie certainement à des feuillets de tarifs non conservés, imprimés à part pour être modifiés plus aisément, alors que l'album de dessins présente le fonds de la maison. Ces recueils de planches sont en général des publications de belle qualité, tandis que les cas les plus ordinaires associent les dessins des modèles et les détails des dimensions, matériaux et tarifs. Dans les années 1880-1890, les progrès de la reproduction photomécanique permettent la multiplication de vignettes à moindre coût. La mode se répand alors d'extraits de catalogues, fascicules de formats divers qui renvoient au bel album de la maison et permettent d'adapter les efforts de prospection au public visé. Les fondeurs distinguent ainsi leurs productions utilitaires, artistiques, profanes ou religieuses ; les fabricants suivent les fêtes liturgiques (voir les nombreux catalogues de crèches que Raffl intercale entre ses publications annuelles).

A partir des années 1900, les pages de photographies apportent « un aperçu plus objectif que les dessins », selon les termes de certains catalogues. Elles apparaissent notamment pour la statuaire ou la chasublerie, tandis que l'orfèvrerie et le mobilier religieux, qui regorgent de détails néo-gothiques, privilégient plus longtemps le dessin au trait. Ainsi en 1899, le catalogue n° 1 de l'Art catholique Lyonnais associe des photographies, des chromolithographies et des gravures. Vers 1910, Argod présente un catalogue entièrement illustré de photographies.

L'usage du catalogue, qui s'est établi entre 1860 et 1880, puis totalement généralisé, s'impose au XXe siècle, ce qui explique qu'on trouve plusieurs exemplaires intéressants pour les années vingt ou trente témoignant de la longue durée de ces fabrications.



Ambivalence du catalogue



L'analyse de l'évolution tient compte de la fragilité de la conservation de ces documents « périssables » (ni rares, ni précieux) mais aussi de la pratique de commercialisation de ce type de publication qui s'intensifie dans la deuxième moitié du siècle. En dépit du caractère aléatoire de la collecte, l'importance des années 1880-1900 est nette et correspond à une perception plus qualitative donnée par la lecture de certaines introductions et présentations des maisons. En 1895, la maison Cachal-Froc se plaint d'une intensification de la réclame, de la part de plus en plus importante des frais liés aux expositions et de l'industrialisation de la profession : « L’art de la statuaire religieuse est en voie de disparaître [ ] : il n’y aura plus que des bazars dans lesquels on vendra des statues quelconques manufacturées par des manœuvres. »

Merveilleux instrument publicitaire, le catalogue commercial est aussi directement lié à la standardisation de la production. Tout en l'utilisant, certains se défendent d'y avoir véritablement recours. Le chasublier Dubus précise dans une petite brochure de 1876 que sa « maison fondée en 1832 s'abstiendra toujours de prospectus pompeux et exagérés », aussi ses présentations sont-elles très sommaires.

La plupart des fabricants signale qu'ils peuvent exécuter sur demande des modèles ne figurant pas dans le catalogue, « tels que vitraux, mobilier d'églises complet, statues, chemins de croix, etc. » comme le fait la veuve Haussaire qui invite également à découvrir les vitraux de son beau-frère. Le maître orfèvre Alexandre Chertier indique dans un catalogue postérieur à 1878 que « le recueil ne comprend que les objets usuels [ ] le consulter pour voir sa collection variée de modèles de style moyen âge, nombreux travaux effectués pour les cathédrales de France »

Les orfèvres célèbres, tels Armand-Calliat ou Froment-Meurice, n'ont sans doute pas utilisé de catalogues. Ils envoyaient ou mettaient à la disposition de leurs clients des albums de photographies de leurs œuvres précédentes et orientaient, à partir de ces modèles, le goût des commanditaires.



A un niveau plus modeste, des maisons qui pratiquent intensément la commercialisation de masse tentent d'habiller le caractère publicitaire du catalogue d'une allure de publication périodique qui fidélise la clientèle et instaure avec elle des liens proches de ceux d'un éditeur de presse avec ses abonnés. Ainsi le catalogue 1900 de Biais rappelle que « la maison Biais est en rapports constants avec son honorable clientèle à laquelle elle adresse périodiquement le Bulletin catholique. Cette publication, qui a trois éditions en français, anglais et en espagnol, est envoyée gratuitement dans tout l'univers catholique à tous nos clients. La place d'honneur est réservée à la propagande des bonnes œuvres. »



L'intérêt et les limites du catalogue


Apparition et importance des maisons



Un catalogue ne peut être étudié de façon isolée, il faut le relier à l'histoire du fabricant pour vérifier s'il présente l'ensemble de l'activité ou seulement un secteur, et situer le choix de modèles proposés dans l'évolution d'une production. A l'exception d'une douzaine de catalogues anonymes ou signalés seulement par des initiales, la plupart indique clairement le nom du fabricant et souvent la date de création de la maison, y compris en cas de rachat et de succession. Comme toujours, cette garantie d'ancienneté fait office de label, surtout lorsque dans les années 1880, certains peuvent s'enorgueillir de près de cinquante ans d'existence qui distinguent les maisons apparues dès la Restauration pour redécorer les églises ayant souffert de la Révolution.


Une dizaine de maisons citées dans ce corpus remontent même à la fin du XVIIIe siècle, témoignant de la continuité des entreprises :

- l'orfèvre Trioullier prend la suite de la maison Paraud fondée en 1715 (ce qu'il signale encore dans une lettre publicitaire de 1874),

- le chasublier Henry appartient à une maison de soieries lyonnaise créée au milieu du XVIIIe siècle,

- Biais, spécialiste de la chasublerie à ses débuts en 1782, fournit le clergé clandestin pendant la Révolution, réalise certains éléments du vestiaire liturgique lors du sacre de 1804, puis élargit sa production aux bronzes et à l'ameublement religieux jusqu'à sa fermeture en 1960,

- la maison d'ornements liturgique V.B. (sans autre indication) mentionne encore sur un catalogue du début du XXe siècle, sa création en 1795,

- le chasublier Bent apparaît également à la fin du XVIIIe siècle,

- Jean-Baptiste Saint-Eve reprend en 1829 une fonderie active au XVIIIe siècle et qui avait décliné sous l'Empire,

- le sculpteur-statuaire Raffl, qui reprend progressivement, au début du XXe siècle, les principaux fabricants de statues religieuses, revendique l'héritage de la maison Frediani, fondée en 1796,

- l'orfèvre Figaret apparaît en 1803.



Ces quelques exemples ne suffisent pas à contrebalancer l'importance des créations des années 1830. Celles-ci marquent surtout une installation parisienne dans le quartier Saint-Sulpice et sont le signe de maisons engagées dans le renouveau de la religion, maisons auxquelles il faudrait adjoindre les éditeurs d'images qui ne sont en principe pas retenus dans cette étude.

Si l'on s'en tient à ce corpus, qui ne reflète qu'imparfaitement un mouvement de création beaucoup plus vaste, les apparitions de maisons nouvelles s'échelonnent de façon assez régulière tout au long du siècle. Citons en 1842, Vendeuvre; en 1846, Poussielgue ; en 1847, Durenne ; en 1852, Blondeau-Sénart ; en 1858, l'Art catholique Lyonnais ; en 1860, Rouillard ; en 1865, Vaucouleurs ; en 1874, Haussaire ; en 1886, Aillaud ; en 1892, Perret ; enfin en 1912, l'Art catholique, dont la vocation esthétique se voulait en réaction contre le mouvement précédent.

Des maisons généralistes peuvent avoir un catalogue spécifique consacré aux objets religieux, d'autres spécialisées dans les « ornements d'église » font un peu de tout (chasublerie et lingerie, orfèvrerie et bronzes, ameublements), enfin des maisons peuvent être spécialisées à la fois dans le religieux et dans un domaine technique (statuaire ou textile etc.). En outre, la répartition des activités n'est pas toujours aisée à déterminer car certaines maisons tendent à devenir des généralistes fournissant non plus seulement leurs articles d'origine mais tous les ornements d'église, à l'instar de Biais, fabricant de chasublerie qui propose ensuite bronzes, orfèvrerie et mobilier d'église.

La présence dans ce corpus d'une importante documentation réunie sur les fondeurs est liée aux études spécifiques menées par C. Chevillot, L. de Margerie, Madame Robert-Dehault et les dépouillements de l'Inventaire général du patrimoine culturel de Lorraine par P. Léon. L'importance de la production en fonte de fer, beaucoup plus diversifiée que celle des spécialistes du religieux, joue un rôle économique important, mais la part de la production religieuse, quoique réelle, surtout pour Ducel et ses successeurs, n'y est pas majoritaire. Nombre d'albums de fonte d'art, tels ceux de Barbezat, limitent les pages religieuses, le plus souvent situées à la fin du catalogue, à la fonte d'ornementation principalement funéraire (grilles d'entourages de tombes) ou aux appuis de communion.

Si les dates de création s'échelonnent, les disparitions en revanche traduisent l'évolution des sensibilités religieuses qui précède et accompagne le concile Vatican II. Bien que l'activité ait déjà diminué dans la décennie précédente, c'est entre 1960 et 1965 que disparaissent Poussielgue, Biais, Rouillard, Vendeuvre, l'usine de Tusey, et Vaucouleurs (qui se maintient jusqu'en 1967 mais l'activité de statuaire avait déjà cessé).



Permanence des modèles et tentatives de renouvellement



Outre les grandes lignes de l'évolution chronologique, l'iconographie permet de tisser un lien entre la diversité des matériaux et des fabriques. Pour la statuaire, la parenté est indéniable entre les modèles des fondeurs et les moules des statuaires puisque bien souvent les uns s'adressent aux autres pour leurs réalisations en fonte. Ainsi Vaucouleurs confie à Gasne (Tusey) la réalisation de la Vierge monumentale de Notre-Dame de Sion (7m de haut)

Lorsque les chasubles et les bannières sont ornées de sujets ou de scènes figuratives, les saints et leurs attributs ou les grandes scènes de la Passion reviennent avec la même prédilection. Les liens avec l'imagerie devraient être précisés dans une étude plus fine qui reste à mener. Les thèmes de dévotion chers aux petites images ont certainement marqué l'inspiration des fabricants comme le goût de leur commanditaire. Ces choix sont assez différents de ceux des tableaux de catéchèse ou encore des tableaux religieux du Salon ou des commandes pour les églises. Le fonds de Vaucouleurs témoigne de cette influence par la présence dans les archives d'un grand nombre d'images et de feuilles hagiographiques publiées par la Maison de la Bonne Presse. L'impression est encore renforcée par le mode de traitement de la statuaire qui reste très proche d'une figure en deux dimensions, la plupar>t du temps présentée de face avec des attributs très visibles pour en faciliter l'identification. Un relatif anonymat des figures rend en général les corps interchangeables.

La circulation des modèles et leur permanence ont déjà été évoquées. Certains sont de véritables best-sellers qui figurent au catalogue de plusieurs fabricants. De nombreux modèles sont repris aux maîtres du passé, ainsi le Christ d'après Bouchardon, se retrouve en fonte de fer dans les catalogues de bronze et d'orfèvrerie de Biais et de Figaret, au milieux des fontes de Gasne, Ducel, Val d'Osne, Durenne, Ferry-Capitain, et en plâtre dans la statuaire de Raffl. Le même constat peut être établi pour la peinture, le saint Michel de Raphaël (Louvre), si présent à la même époque sur les vitraux du XIXe siècle, connaît également une diffusion en ronde-bosse. A propos de cette œuvre, Cachal-Froc, qui se défend de n'être qu'un vulgaire éditeur de statuaire, souligne en 1895 que « le tableau a été copié avec sincérité sans suppression des difficultés d’exécution, comme cela se pratique généralement au détriments des œuvres. »

Cet appel à la tradition des maîtres est ainsi présenté comme le plus sûr moyen de rester fidèle au « goût chrétien », et donc de ne pas commettre d'erreurs dans des achats dont chacun s'accorde à reconnaître la difficulté. Biais affirme en 1875 que « l'importance et la difficulté des achats d'ornements d'église ne sauraient échapper à personne. Il faut choisir des objets d'une bonne durée, d'un goût éprouvé ; il faut en approprier les formes et les usages au rit romain, il faut enfin que le prix en soit convenable et en rapport avec la qualité qu'on acquiert. »

Blondeau développe l'argumentation en 1898 : 

« Nos prix très raisonnables permettent aux paroisses disposant de moindres ressources de se procurer à peu de frais de véritables œuvres d'art. Tous nos modèles ont été conçus dans les plus sérieuses données artistiques et l'esprit chrétien le plus pur, leur reproduction avec un soin extrême et la décoration dont nous les ornons est pour nous l'objet d'une attention toute spéciale en nous inspirant de nos maîtres du moyen âge ; ce qui fait dire que les statues de Blondeau-Sénart et Cie qu'elles ont un charme religieux incomparable et une valeur artistique incontestable. »


Cet ensemble de référence garantit le « supplément d'âme » de ces objets de série, les termes « religieux » et « artistique » sont essentiels ici pour marquer la différence de nature de ce produit qui emprunte au monde industriel ses méthodes de fabrication mais cherche à y échapper dans son résultat. Les procédés de désignation et de rapprochement avec l'univers de l'art, et avec la dimension cultuelle des œuvres, y contribuent alors même que la mise en page du catalogue, le code des tarifs, l'indication des dimensions et matériaux l'apparentent à la commercialisation des objets usuels.

Outre cette communauté de « sentiment religieux » dans l'inspiration, d'autres caractéristiques marquent la production de série de ces albums : la variété des dimensions, des postures, des attributs, la diversité des matériaux ainsi qu'un réel éclectisme dans le choix des modèles. Ces caractéristiques visent toutes à permettre une appropriation au plus juste par le commanditaire qui a le sentiment d'avoir composé, selon ses goûts et ses moyens, une statue ou un décor liturgique qui lui est propre. L'effort de personnalisation et la possibilité de choix vient compenser l'uniformité des catalogues. Le dessin représenté peut devenir un type à partir duquel sera proposée une œuvre spécifique ; si le choix reste assez standardisé dans la statuaire, les pièces d'orfèvrerie ou le grand mobilier d'église sont plus souvent présentés comme conçus pour une destination précise et reproduits à titre d'exemple dont on peut s'inspirer. Les catalogues de certaines grandes maisons mentionnent notamment les commanditaires des maîtres-autels (voir les albums de Poussielgue, Chovet, et Biais au début du XXe siècle).

- Éclectisme des catalogues des années vingt et trente
La multiplication des catalogues a coïncidé, vers le milieu du XIXe siècle, avec l'essor du décor néo-gothique favorisé notamment par les dessins d'Arthur Martin pour Poussielgue et les commandes de Mgr de Dreux-Brézé2. Néanmoins, le souci de respecter la diversité des goûts conduit la majorité des albums à proposer outre des modèles de style XIIIe siècle, toutes sortes de choix dits roman, gothique, XIVe siècle, Renaissance, et souvent encore de style XVIIe ou XVIIIe siècle… afin d'offrir une variété presque infinie de compositions. Inversement, l'inspiration médiévale reste présente jusque dans les catalogues du début du XXe siècle. La permanence des modèles témoigne de la constance d'un certain goût de l'art religieux qui reconnaît à des formes spécifiques une aptitude particulière à servir le sacré et voit dans le Moyen Âge une référence idéale. Au fil des années, l'effort de déclinaison et d'adaptation aux attentes des fidèles conduit à un réel éclectisme. Alors que les calices néo-gothiques voisinent encore avec des motifs Renaissance ou baroques, on voit apparaître, dès les premières décennies du XXe siècle, des pages de décors dits « modernes » qui ne se substituent pas aux modèles anciens mais viennent, en numérotation bis, diversifier encore l'offre de la maison. Ce mélange de style contemporain associé au maintien des formes traditionnelles est, par exemple, net dans le catalogue de l'orfèvre Favier en 1950 ; le même éclectisme domine pour la statuaire dans les derniers catalogues Rouillard, qui font appel à de nouveaux artistes sans pour autant exclure les œuvres de Bourriché qui ont fait le succès de la maison.

D'autres maisons, sous l'influence notamment de la fabrication belge, marquent plus nettement les nouvelles orientations de l'art sacré en faveur de formes plus épurées. Les catalogues Cabaret, Cheret rendent compte des évolutions de ce renouveau de l'art liturgique qui ouvre sur un autre temps.

- Variation des dimensions
L'existence de déclinaison du plus petit au plus grand, qui peut aller jusqu'à dix hauteurs pour un modèle d'ostensoir, est particulièrement marquante dans le cas de la statuaire. Elle varie de la petite statuette à manipuler jusqu'au décor monumental et ce y compris chez les fondeurs, qui proposent des Christ et des Vierge allant de 30 ou 50 cm de haut à 1,50m ou 3 m.

- Diversité des postures et des matériaux
Qu'il s'agisse des statues, des objets liturgiques, ou du vestiaire, la déclinaison est presque infinie. Tous les catalogues proposent un même modèle avec un décor plus ou moins riche, une matière plus ou moins coûteuse et, pour l'orfèvrerie, avec ou sans émaux, etc., pour la statuaire un nombre d'attributs plus ou moins important et des postures différentes à partir d'un même corps d'origine. En effet, alors que les figures de base sont relativement anonymes et faciles à permuter pour obtenir de nouveaux sujets, les attributs sont d'autant plus importants qu'ils assurent l'essentiel de l'identification du personnage et en marque le caractère permanent tandis que la posture permet de varier les représentations d'un même thème. Les saints sont ainsi présentés avec ou sans couronne, bras ouverts ou fermés, accompagnés ou non d'enfants ou d'agneaux selon leurs attributions, debout, assis ou sur un piédestal, les yeux peuvent être en émail, le décor vestimentaire rehaussé d'or ou de couleur.

Les objets liturgiques se déclinent pour l'essentiel dans des matières nobles (or, argent, argent doré, vermeil, bronze pour certains objets et les luminaires) et les succédanés apparaissent principalement dans les autres domaines. Pour le textile, les fausses dorures se répandent tellement que certaines maisons protestent et rappellent l'obligation faite par le rit romain d'utiliser de vrais fils d'or (tel le catalogue de l'orfèvre Bent de 1861). Dans la statuaire et le mobilier, le faux et le simili se multiplient pour donner l'effet du chêne, du bronze doré, de l'ivoire, de la pierre grâce à des matériaux meilleur marché, plus résistants ou plus légers pour l'exportation et notamment pour la clientèle missionnaire. Ce règne de l'apparence conduit à une réelle inventivité dans les compositions et plusieurs maisons s'enorgueillissent d'une spécialité dans une matière particulière. Ainsi en 1898, Blondeau, Sénart et Cie soulignent qu'ils sont « exclusivement propriétaires » de ce qu'ils nomment « pierre factice » qui « imite la pierre véritable dont elle possède les qualités sans avoir les défauts. »

En 1901, Duflo-Lotigie vante de la même manière différentes matières comme la « matière plastique : très fine, jolie à l'œil se lave facilement ; le plâtre durci : très solide recommandé pour les décors ; le staff ou carton romain : matière très légère spéciale pour l'exportation et pour les églises humides, le ciment métallique : composition spéciale pour extérieur, seule matière qui résiste contre toutes les intempéries. »

En 1906, la notice du catalogue Raffl rappelle que « le carton romain est la spécialité de la maison, et qu'il remplace avantageusement le carton pierre. »

Enfin en 1913, le catalogue Puccini précise que « depuis plusieurs années, la Maison n'emploie que du carton romain comprimé, (composition spéciale de la Maison) qui garantit finesse, légèreté, résistance aux chocs des transports, résistance indéfinie à l'humidité. Pour les décors, les peintures sont faites à l'huile épurée, elles peuvent être lavées sans risque d'altérer la fraîcheur ou le coloris. »



Liens internationaux



Le corpus comprend huit maisons étrangères : deux en Allemagne : Fulda (orfèvre W. Rauscher, dont le catalogue paraît en trois langues, et pour lequel de nombreux objets ont été identifiés par l'Inventaire en Alsace et Lorraine) et la fonderie Wasseralfingen, trois maisons brésiliennes qui ont fait imprimer leurs catalogues en France, deux maisons établies à New York, un fabricant anglais et un belge.

Témoignage de curiosité pour la concurrence étrangère ou signe des liens avec l'étranger, cette production d'art sacré catholique se veut universelle par essence. Les missions constituent un premier débouché à l'étranger, aussi plusieurs maisons importantes font-elles imprimer leurs catalogues en plusieurs langues. Les exemples de réalisations données par Chovet, ou par le maître verrier Gesta, prouvent l'importance des commandes internationales. Biais donne également vers 1900 plusieurs exemples de maîtres-autels réalisés en Amérique du Sud.

Plusieurs maisons éditent des catalogues à destination de l' étranger :

D'autres exemples sont donnés par les maisons Marchi ou la maison Puccini qui diffusent leur catalogue avec des explications et tarifs en français, anglais, espagnol.



Ce bref survol des caractéristiques des catalogues appelle des études plus fines par secteur d'activité et par fabricant afin de cerner les contours de cet art de série, aujourd'hui décrié, mais qui eut une part non négligeable dans l'activité industrielle de luxe et de semi-luxe de la France du XIXe siècle, comme dans la diffusion de modèles de l'art savant et les fluctuations du goût. Sans entrer dans une recherche de longue haleine, la sauvegarde des catalogues existants et leur mise en ligne permet de compenser le peu d'archives laissées par la majorité de ces fabricants. Le caractère répétitif de ces albums masque parfois de véritables créations qui accompagnent l'essor du style néo-gothique ou la volonté de retour à des formes plus épurées et suivent de près l'évolution des dévotions.



Isabelle Saint-Martin
École Pratique des Hautes Études





1 Le décompte a retenu les maisons par nom (sans distinguer à l'intérieur d'un même nom les raisons sociales différentes (frères, et cie) qui marquent une succession dans une même famille. En revanche le changement de nom conduit à compter deux fois la société (il s'agit alors bien de deux sociétés différentes).

2 Voir la thèse de B. Berthod et les actes du colloque L'Orfèvrerie au XIXe siècle, dir. C. Arminjon, 1994.