MOBILIER ET OBJETS
RELIGIEUX
CATALOGUES
COMMERCIAUX DES XIXe ET XXe
SIÈCLES
MCC – SDARCHETIS
octobre 2008
Introduction
La richesse de l'enquête sur
les catalogues commerciaux, réalisée par Isabelle
Saint-Martin en 2002, à la demande
d' Hélène
Verdier et d'Aline Magnien, justifiait qu'elle soit reprise,
complétée et actualisée afin d'être mise
en ligne. Nous avons souhaité l'enrichir des illustrations des
catalogues commerciaux conservés dans les archives de la
Sous-direction de l'archéologie, de l'ethnologie, de
l'inventaire et du système d'information (SDARCHETIS).
Il a fallu, avant tout, homogénéiser les notices en répartissant leur contenu dans des rubriques spécifiques, vérifier certaines informations et les préciser avec l'aide des centres de documentation des services régionaux de l'Inventaire général du patrimoine culturel, enfin enrichir la documentation par la consultation d'ouvrages non disponibles en 2002, sans vouloir atteindre une impossible exhaustivité.
La
présentation actuelle réunit des informations sur
cent-soixante-dix entreprises classées
par ordre alphabétique qui sont toutes présentées
selon le même schéma : activité principale,
adresse, historique, liste chronologique des catalogues d’une
même maison accompagnés éventuellement
d’indications sur leur contenu réunies en notes.
Une dizaine de fabriques peu documentées ont été
mises en fin de catalogue pour éviter de perdre une
information lacunaire à ce jour mais qui ne demande qu'à
être enrichie. L'index présente de nombreux renvois
prenant en compte les noms officiels mais aussi les noms courants
d'une même fabrique pour permettre une navigation aisée.
Enfin, des liens vers des notices d’œuvres (Base Palissy)
sont envisagés afin d'enrichir cette documentation d'un regard
sur des oeuvres conservées et documentées issues des
entreprises référencées.
A ce jour,
5 catalogues sont en ligne, mais ce site pourrait recevoir des
illustrations des catalogues conservés par d'autres
institutions et par les services régionaux de l'Inventaire
général du patrimoine culturel, afin de permettre
l'accès au plus grand nombre d'une documentation souvent
difficile à consulter. Des compléments d'information,
des catalogues nouvellement acquis peuvent trouver leur place dans ce
recensement que la mise en ligne permet de compléter
régulièrement au gré des découvertes.
Laurence de Finance
Conservateur en chef du patrimoine
octobre 2008
Remerciements
Cette étude, initiée
par Isabelle Saint-Martin, a tiré profit de nombreux
renseignements fournis par Catherine Arminjon, Bernard Berthod, Mlle
Blondel, Michèle Bonnard, Maryannick Chalabi, Bénédicte
Colas-Bouix, Mme Deblock, J. Durand, S. Forestier, Catherine Guillot,
Denise Glück, Jean-François Luneau, Laure de Margerie,
Anita Oger-Leurent, C. Rouillard, ainsi que les chargés
d'études documentaires des services régionaux de
l'Inventaire général du patrimoine culturel.
Elle a bénéficié
de la relecture minutieuse de Renaud Benoit-Cattin, Françoise
Cosler, Catherine Gros, Laurence de Finance, Aline Magnien, Hélène
Verdier.
La mise en forme et l'homogénéité
du document ont été confiées à Françoise
Cosler.
Jean-Marie Besnier, Françoise
Cosler, Alain Dagand, Laurence de Finance, Anne-Claire Viron-Rochet
ont contribué à la mise en ligne des illustrations.
Liste des abréviations
BnF = Bibliothèque nationale
de France (Paris)
DRAC = Direction régionale des
Affaires culturelles
éd. = édition
ill. = illustration
Impr. = Imprimerie
inv. = numéro d’inventaire
MCC = Ministère de la culture
et de la communication
n.d. = non daté
p. = page
pl. = planche
s. = siècle
SDAP = Service départemental
de l’architecture et du patrimoine
SDARCHETIS = Sous-direction de
l’archéologie, de l’ethnologie, de l’inventaire
et du système d’information
s.l.n.d. = sans lieu ni date
L'enquête
I. Objectifs de l’étude réalisée en 2002
Le
catalogue commercial, en dépit des limites qui seront
précisées plus loin, est de toute évidence un
outil précieux pour l’analyse des objets du patrimoine
religieux. Depuis plus d’une dizaine d’années, des
journées de formation consacrées à l'étude
de ce patrimoine ont attiré l’attention sur l'utilité
de ces ouvrages auxquels de nombreux chercheurs ont recours.
Néanmoins, la situation reste inégale, certaines
régions possèdent en la matière des fonds
relativement riches, ou font appel à des reproductions,
d’autres sont moins bien servies. Si nombreux qu’aient pu
être les catalogues commerciaux au XIXe siècle, peu sont
conservés, les originaux, sur papier acide, étant
fragiles. L’accès et la connaissance de ces fonds sont,
de fait, souvent limités à ceux qui étudient de
façon précise une maison et sa production alors que ces
recueils de modèles pourraient être plus largement
utilisés.
Quatre objectifs ont
été fixés à cette étude :
- identifier les principaux fonds de conservation de ces catalogues afin d’en dresser un examen critique,
- établir une liste analytique qui comporte aujourd'hui près de 300 catalogues correspondant à près de 170 fabricants,
- dégager les principales caractéristiques de l’objet « catalogue commercial » en lui-même afin de contribuer à mieux cerner les contours de cette « industrie » particulière,
- sélectionner, au sein de cette abondante et inégale production, les catalogues les plus intéressants tant par l’originalité ou le caractère exceptionnel de leurs œuvres que par leur représentativité et l’importance de la diffusion de leurs modèles.
La diffusion des résultats devrait renforcer l’intérêt pour ces publications et conduira très certainement à en retrouver d'autres. Les fiches de cette liste ont vocation à être complétées par des précisions de dates ou des exemples de réalisations retrouvées, ainsi que par de nouvelles entrées de catalogues.
Limites de l’enquête
Outre l’impossible
exhaustivité de ce répertoire, toujours soumis à
la découverte d’un nouvel exemplaire, la forme de
l’enquête en marque les limites. Généraliste,
elle a eu pour ambition de cerner l’ensemble de la production
d’objets et de mobilier religieux tous secteurs confondus, par
le prisme de ses catalogues. Aussi est-elle nécessairement
sommaire dans la présentation des résultats pour chacun
des domaines d’activité concernés.
Il est certain que de futurs travaux sur la fonte
d’art apporteront d’autres éléments sur les
catalogues spécifiques de ce secteur, pour lequel la
production religieuse n’est pas nécessairement
prioritaire. Pour les vêtements et objets liturgiques, des
études importantes ont déjà été
menées et les spécialistes du vitrail connaissent sans
doute nombre de catalogues conservés dans des fonds d’ateliers
qui ont échappé à ce recensement. Enfin la
statuaire a fait également l’objet de quelques
investigations plus précises autour de certains fabricants
(Vendeuvre, maison Rouillard…). L’intérêt
de cette vision synoptique, et a fortiori plus
synthétique, est de faire apparaître le « tout
venant » des fabrications, le lot commun et non la
création d’exception, ainsi que de mettre en évidence
les liens éventuels entre ces secteurs d’activité
afin de cerner l’évolution de la production à
caractère religieux, notamment à travers des éléments
de chronologie ou la diffusion de thèmes et modèles
iconographiques.
Centrée
sur les catalogues, l’enquête s’est attachée
à l’état des fonds retrouvés et aux
informations qui pouvaient en être extraites, elle ne considère
donc pas l’ensemble de l’activité réelle.
Cependant, en dépit des pertes, il est possible d’estimer
que l’état des fonds donne un aperçu de la
production des maisons les plus importantes par secteur d’activité.
Les maisons importantes pour lesquelles aucun catalogue n’a été
retrouvé correspondent à un profil spécifique
qui laisse penser qu’elles n’ont
peu, ou pas, eu de catalogue commercial.
II. Examen critique des fonds
Une des premières
recommandations de la lettre de commande était de faire le
recensement des travaux déjà conduits sur ce sujet.
Aussi, la première tâche a-t-elle été de
classer les archives de l’Inventaire général du
patrimoine culturel et de coordonner les apports de plusieurs vagues
d’enquêtes successives sur cette question menées
sous la direction de Nicole de Reyniès et Nicole Blondel.
Les documents conservés
témoignent de deux enquêtes successives relatives aux
catalogues d’objets industriels :
- L’une, conduite
en 1985 sur un champ très large puisqu’il recouvrait
également tous les objets usuels, a donné lieu à
d’importantes recherches et à de premiers
dépouillements précieux pour les objets religieux.
Cette première enquête a montré le caractère
aléatoire des recherches dans les archives diocésaines
et les couvents (ces lieux n’ayant
guère conservé que par hasard ce type de catalogue) et
la mauvaise conservation des catalogues par les rares maisons encore
existantes. Une petite annonce passée dans les journaux
catholiques est restée sans résultat.
- Une deuxième enquête, consacrée spécifiquement aux objets mobiliers liturgiques, a été conduite en 1989, complétant et confirmant très largement certains des résultats de la première enquête. Elle a mis en évidence à nouveau le faible dépouillement résultant des courriers adressés aux archives diocésaines, aux communautés religieuses, aux archives municipales et départementales, aux fabricants. Un courrier a été adressé à tous les services régionaux de l’Inventaire général du patrimoine culturel et une annonce passée dans le bulletin Musées et collections publiques a permis de constater que les fonds les plus riches étaient conservés dans les bibliothèques parisiennes.
Il a été
décidé de reprendre d’abord l’enquête
dans les fonds parisiens afin de compléter les dépouillements
et d’en faire une analyse critique qui soit communicable avant
de relancer l’appel aux fonds conservés en région.Les dépouillements
à Paris ont permis de localiser plus d’une cinquantaine
de nouveaux catalogues. Les résultats des enquêtes
régionales précédentes ont tous été
intégrés après vérification.
A Paris,
l’intérêt des fonds n’est pas toujours
proportionnel au nombre de catalogues mentionnés dans les
fichiers. Ainsi le fonds de la Bibliothèque nationale, a
priori le plus abondant, contient beaucoup de petites plaquettes,
fascicules de quelques pages ou feuillets publicitaires qui peuvent
aussi être riches d’informations… et sont donc
conservés dans les dépouillements.
La bibliothèque du Saulchoir en revanche, qui ne mentionne que
trois catalogues Poussielgue dans son
fichier, conserve en fait dans des fonds non cotés et non
classés une dizaine de beaux catalogues reliés avec
pour certains des reproductions en chromolithographie.
État des fonds parisiens
La Bibliothèque nationale de France
Une soixantaine de catalogues pour les objets religieux sous les cotes W et V principalement (nombreux documents recotés). Nombreuses plaquettes et fascicules de petit format, dont le papier acide et cassant a fait l’objet d’un traitement.Les catalogues de fondeurs ont été microfichés (indication de certains exemples contenant quelques pages de fonte religieuse).
Aucune acquisition prévue.La bibliothèque Forney
Seule bibliothèque qui pratique une politique d’acquisition de catalogues commerciaux (objets religieux compris). Le fonds est important (37 catalogues si on ne retient que ceux qui comportent des pages religieuses) et comporte de nombreux beaux albums à côté des petites plaquettes. Un certain nombre de documents, venant directement des réserves, ne sont pas cotés ; leur consultation nécessite une demande spécifique auprès du conservateur responsable. Pour les documents cotés, un fichier matière pour les catalogues commerciaux rend la recherche beaucoup plus efficace que dans les autres bibliothèques.La bibliothèque des Arts décoratifs
Fonds riche et intéressant de dix-sept catalogues importants, sans acquisition prévue. Comme au musée d’Orsay, ou aux Arts et Métiers, les catalogues commerciaux n’ont pas de cote particulière ou de fichier matière, il faut faire l’interrogation maison par maison.Le Conservatoire national des arts et métiers
Nombreux catalogues de fonte mais fonds moins riche pour les objets religieux. Une dizaine de catalogues sont néanmoins intéressants. On y retrouve le grand catalogue Val d’Osne des années 1880 (édition à peu près identique à Forney et aux Arts décoratifs).La bibliothèque du Saulchoir
Trois catalogues Poussielgue au fichier, en bon état, notamment le catalogue 1893, contenant de nombreuses indications d’artistes et de réalisations.Dans les réserves, non classés et non cotés, une dizaine de catalogues intéressants notamment Art Catholique lyonnais, n° I, 1899, un catalogue Raffl avec de nombreuses photos de statues, des plaquettes de l’Art catholique et de la maison Argod, un catalogue Fulda en couleurs.Le musée d’Orsay Présence d'un important fonds de catalogues commerciaux (mais pas de cotes communes) en revanche la part religieuse y est faible. Quatre ou cinq catalogues originaux seulement sont intéressants pour notre propos. A la documentation, des dossiers détaillés sur les fondeurs, et quelques catalogues photocopiés viennent compléter les fonds disponibles (Vaucouleurs, Tusey, notamment).
La Bibliothèque historique de la Ville de Paris Cette bibliothèque n’a pas vocation à conserver ce type de document mais on trouve dans la « Série 120 actualité », le catalogue Sorel-Douce, catalogue d’orfèvrerie original entièrement illustré, et une lettre publicitaire de l’orfèvre Trioullier.
La Conservation des œuvres d’art religieuses et civiles de la Ville de Paris Ce service particulièrement intéressé par ce type de document en a acquis quelques-uns. Il possède un catalogue des bronzes de Biais, intéressant, avec des indications de réalisations, deux albums anonymes de chasublerie et de bronze richement illustrés, une plaquette de l'Art catholique. Le fonds d’atelier de l’orfèvre Lesage, légué à la ville de Paris, comprenant quelques catalogues, est désormais déposé au musée Carnavalet.
Le musée des Arts et traditions populaires
Ce musée ne possède en principe aucun catalogue commercial. En cours de déménagement pour le futur MUCEM, il conservait en 2002, à titre temporaire, un fonds de treize catalogues commerciaux dont celui de Vendeuvre et plusieurs de ses concurrents (Raffl) ainsi que trois catalogues américains. Il faut ajouter que le musée a développé une politique d’acquisition des statues représentatives des principaux ateliers (Raffl, Vaucouleurs, Vendeuvre, Sodiani, etc.), une vingtaine au total, dont quelques-unes étaient exposées dans les salles du musée.Au ministère de la Culture et de la Communication,
Le Sous-direction de l'archéologie, de l'ethnologie, de l'inventaire et du système d'information (SDARCHETIS) conserve quelques originaux (dont certains en dépôt) complétés d'une quinzaine de catalogues photocopiés.
État des fonds en province
En dehors des catalogues, originaux ou des
photocopiés, conservés dans les services de
l'Inventaire général du patrimoine culturel pris en
compte dans cette étude, il reste en province des fonds qui
n'ont été que partiellement sollicités et qui
pourraient être un réservoir potentiel. Les fonds des
principaux musées d'Art sacré dont certains sont
récents, sont souvent encore en cours de constitution. On
trouve cependant une documentation intéressante
collectée dans les musées de Dijon (Côte d'Or),
de Pont-Saint-Esprit (Gard), de Mours-Saint-Eusèbe (Drôme),
de Fourvière à Lyon (Rhône), pour n'en citer que
quelques-uns.
Les enquêtes régionales
pourraient être complétées par la consultation de
fonds gérés par des associations. A titre d'exemple en
Franche-Comté pourraient être consultés
l'Association comtoise
d'arts et traditions populaires, l'Institut d'études comtoises
et jurassiennes, la chaîne des musées de l'économie
et du travail.
III Aperçu analytique du répertoire
L'ensemble des recensements fait apparaître près de 300 entrées pour 170 maisons1, Ces chiffres recouvrent une grande hétérogénéité de situations : depuis la double page publicitaire (Sauris 1850, Oudinot 1853) jusqu'au gros catalogue illustré avec détails des tarifs (Val d'Osne) en passant par quelques pages photocopiées dont l'origine est imprécise. L'intérêt de ces catalogues est évidemment inégal, certains sont très répétitifs, peu ou pas illustrés, sinon par de petites vignettes, d'autres sont de très beaux albums lithographiés avec soin par des dessinateurs spécialisés.
Datation et évolution des catalogues retrouvés
La plupart des catalogues ne sont pas
datés. Dans les fonds parisiens, le premier catalogue portant
une date précise d'impression est celui de Choiselat-Gallien
et Poussielgue-Rusand, imprimé en 1846 (BnF). Ce petit
fascicule d'une cinquantaine de pages comportant plusieurs vignettes
de modèles accompagnées de tarifs, est publié
afin « de se défendre d'une accusation de cherté ».
Poussielgue publie, en 1853, un album de
24 planches dessinées par le père
Arthur Martin, en 1865, un beau volume relié de 99 planches de
modèles comprenant de nombreuses indications sur les artistes
et des réalisations en diverses dimensions et matériaux
ainsi que leurs tarifs. Les catalogues de 1880 et 1893 ou 1900
suivent ce principe désormais établi. Le cas de cette
maison, célèbre pour la qualité esthétique
de ses œuvres inspirées des travaux des pères
Martin et Cahier, mais aussi pour son habileté
commerciale et sa capacité à
adapter et à décliner les modèles de base, est
ici emblématique de la répartition des fonds.
Avant 1850 ou même 1860, les
catalogues sont rares, les quelques mentions renvoient à des
pages publicitaires ou à quelques feuillets de tarifs. Ainsi
les trois circulaires de l'orfèvre Bent, entre 1861 et 1863,
qui accompagnent leur publicité d'une mise au point sur le rit
romain mettant en valeur la qualité leur
production. Non illustrés et
minces, ces feuillets sont mal conservés. La pratique du
catalogue ne se répand véritablement qu'avec la
production de série d'une part et les progrès de
l'illustration d'autre part. La conjonction
de ces deux facteurs explique la
progression chronologique du corpus. Sauf quelques beaux exemples de
lithographies, les catalogues ne sont pas illustrés avant
1860, les dessins apparaissent avec la multiplication des catalogues
entre 1860 et 1880.
A partir des années 1870-1880, le catalogue
commercial semble devenir une nécessité et est en effet
systématiquement illustré. Ceux qui ne le sont pas sont
en réalité des fascicules de tarifs qui devaient
accompagner un recueil de planches disparu. Inversement, dans de
nombreux albums entièrement illustrés, un numéro
affecté à chaque dessin renvoie certainement à
des feuillets de tarifs non conservés, imprimés à
part pour être modifiés plus aisément, alors que
l'album de dessins présente le fonds de la maison. Ces
recueils de planches sont en général des publications
de belle qualité, tandis que les cas les plus ordinaires
associent les dessins des modèles et les détails des
dimensions, matériaux et tarifs. Dans les années
1880-1890, les progrès de la reproduction photomécanique
permettent la multiplication de vignettes à moindre coût.
La mode se répand alors d'extraits de catalogues, fascicules
de formats divers qui renvoient au bel album de la maison et
permettent d'adapter les efforts de prospection au public visé.
Les fondeurs distinguent ainsi leurs productions utilitaires,
artistiques, profanes ou religieuses ; les fabricants suivent les
fêtes liturgiques (voir les nombreux catalogues de crèches
que Raffl intercale entre ses publications annuelles).
A partir des années 1900, les pages
de photographies apportent « un aperçu plus
objectif que les dessins »,
selon les termes de certains catalogues. Elles apparaissent notamment
pour la statuaire ou la chasublerie, tandis que l'orfèvrerie
et le mobilier religieux, qui regorgent de détails
néo-gothiques, privilégient plus longtemps le dessin au
trait. Ainsi en 1899, le catalogue n° 1 de l'Art
catholique Lyonnais associe des
photographies, des chromolithographies et des gravures. Vers 1910,
Argod présente un catalogue entièrement illustré
de photographies.
L'usage du catalogue, qui s'est établi entre 1860
et 1880, puis totalement généralisé, s'impose au
XXe siècle, ce qui explique qu'on trouve plusieurs exemplaires
intéressants pour les années vingt ou trente témoignant
de la longue durée de ces fabrications.
Ambivalence du catalogue
L'analyse de l'évolution tient
compte de la fragilité de la conservation de ces documents
« périssables »
(ni rares, ni précieux) mais aussi
de la pratique de commercialisation de ce type de publication qui
s'intensifie dans la deuxième moitié du siècle.
En dépit du caractère aléatoire de la collecte,
l'importance des années 1880-1900 est nette et correspond à
une perception plus qualitative donnée par la lecture de
certaines introductions et présentations des maisons. En 1895,
la maison Cachal-Froc se plaint d'une intensification de la réclame,
de la part de plus en plus importante des frais liés aux
expositions et de l'industrialisation de la profession : « L’art
de la statuaire religieuse est en voie de disparaître [ ]
: il n’y aura plus que des bazars dans lesquels on vendra des
statues quelconques manufacturées par des manœuvres. »
Merveilleux instrument publicitaire, le
catalogue commercial est aussi directement lié à la
standardisation de la production. Tout en l'utilisant, certains se
défendent d'y avoir véritablement recours. Le
chasublier Dubus précise dans une petite brochure de 1876 que
sa « maison
fondée en 1832 s'abstiendra toujours de prospectus pompeux et
exagérés », aussi ses présentations
sont-elles très sommaires.
La plupart des
fabricants signale qu'ils peuvent exécuter sur demande des
modèles ne figurant pas dans le catalogue, « tels
que vitraux, mobilier d'églises complet, statues, chemins de
croix, etc. » comme le fait la veuve Haussaire qui invite
également à découvrir les vitraux de son
beau-frère. Le maître orfèvre Alexandre
Chertier indique
dans un catalogue postérieur à 1878 que « le
recueil ne comprend que les objets usuels [ ] le consulter pour voir
sa collection variée de modèles de style moyen âge,
nombreux travaux effectués pour les cathédrales de France »
Les orfèvres célèbres, tels
Armand-Calliat ou Froment-Meurice, n'ont sans doute pas utilisé
de catalogues. Ils envoyaient ou mettaient à la disposition de
leurs clients des albums de photographies de leurs œuvres
précédentes et orientaient, à partir de ces
modèles, le goût des commanditaires.
A un niveau plus modeste, des maisons qui pratiquent intensément la commercialisation de masse tentent d'habiller le caractère publicitaire du catalogue d'une allure de publication périodique qui fidélise la clientèle et instaure avec elle des liens proches de ceux d'un éditeur de presse avec ses abonnés. Ainsi le catalogue 1900 de Biais rappelle que « la maison Biais est en rapports constants avec son honorable clientèle à laquelle elle adresse périodiquement le Bulletin catholique. Cette publication, qui a trois éditions en français, anglais et en espagnol, est envoyée gratuitement dans tout l'univers catholique à tous nos clients. La place d'honneur est réservée à la propagande des bonnes œuvres. »
L'intérêt et les limites du catalogue
- Il arrive qu'il puisse, au-delà de la description des modèles, rendre compte de l'état d'esprit des fabricants qui utilisent parfois les préfaces ou commentaires comme un courrier adressé aux clients potentiels. Il comporte le cas échéant des extraits de la presse lorsqu'elle est élogieuse à l'égard de la maison ou des mises en garde sur les concurrents qui ne respecteraient pas tel ou tel impératif de qualité.
- Il est le plus souvent abondamment illustré de dessins au trait ou de photographies, mais les modèles sont pris de façon isolée et ne sont jamais mis en situation ou placés en relation les uns avec les autres.
- Il privilégie les objets usuels, les plus demandés, au détriment de la création originale. Cependant le grand nombre de modèles proposés ne donne guère d'indications sur les choix les plus prisés par la clientèle. Vendait-on autant de Vierge gothiques que d'Immaculée Conception d'après Murillo ? Il est permis d'en douter, pourtant les deux modèles figurent au catalogue Ducel puis Val d'Osne puis Durenne des années 1870 aux années 1930.
- Il est souvent non daté ce qui ne simplifie pas l'étude des modèles. Ceux-ci, comme le montre l'exemple précédent, circulent d'une maison à l'autre, sont repris par les successeurs souvent pendant plusieurs décennies ou peuvent être diffusés par des marchands non fabricants. Utiliser un catalogue pour dater ou identifier un modèle suppose de le référer d'abord à un fabricant et à son histoire. C'est en l'inscrivant dans la chaîne de parution des catalogues précédents et dans les péripéties des rachats successifs de la maison que l'on peut en préciser la datation.
Apparition et importance des maisons
Un catalogue
ne peut être étudié de façon isolée,
il faut le relier à l'histoire du fabricant pour vérifier
s'il présente l'ensemble de l'activité ou seulement un
secteur, et situer le choix de modèles proposés dans
l'évolution d'une production. A l'exception d'une douzaine de
catalogues anonymes ou signalés seulement par des initiales,
la plupart indique clairement le nom du fabricant et souvent la date
de création de la maison,
y compris en cas de rachat et de succession. Comme toujours, cette
garantie d'ancienneté fait office de label, surtout lorsque
dans les années 1880, certains peuvent s'enorgueillir de près
de cinquante ans d'existence qui distinguent les maisons apparues dès
la Restauration pour redécorer les églises ayant
souffert de la Révolution.
Une dizaine de maisons citées dans ce corpus remontent même à la fin du XVIIIe siècle, témoignant de la continuité des entreprises :
- l'orfèvre Trioullier prend la suite de la maison Paraud fondée en 1715 (ce qu'il signale encore dans une lettre publicitaire de 1874),
- le chasublier Henry appartient à une maison de soieries lyonnaise créée au milieu du XVIIIe siècle,
- Biais, spécialiste de la chasublerie à ses débuts en 1782, fournit le clergé clandestin pendant la Révolution, réalise certains éléments du vestiaire liturgique lors du sacre de 1804, puis élargit sa production aux bronzes et à l'ameublement religieux jusqu'à sa fermeture en 1960,
- la maison d'ornements liturgique V.B. (sans autre indication) mentionne encore sur un catalogue du début du XXe siècle, sa création en 1795,
- le chasublier Bent apparaît également à la fin du XVIIIe siècle,
- Jean-Baptiste Saint-Eve reprend en 1829 une fonderie active au XVIIIe siècle et qui avait décliné sous l'Empire,
- le sculpteur-statuaire Raffl, qui reprend progressivement, au début du XXe siècle, les principaux fabricants de statues religieuses, revendique l'héritage de la maison Frediani, fondée en 1796,
- l'orfèvre Figaret apparaît en 1803.
Ces quelques exemples ne suffisent pas à
contrebalancer l'importance des créations des années
1830. Celles-ci marquent surtout une installation parisienne dans le
quartier Saint-Sulpice et sont le signe de maisons engagées
dans le renouveau de la religion, maisons auxquelles il faudrait
adjoindre les éditeurs d'images qui ne sont en principe pas
retenus dans cette étude.
Si l'on s'en tient à ce corpus, qui
ne reflète qu'imparfaitement un mouvement de création
beaucoup plus vaste, les apparitions de maisons nouvelles
s'échelonnent de façon assez régulière
tout au long du siècle. Citons
en 1842, Vendeuvre; en 1846, Poussielgue ; en 1847, Durenne ; en
1852, Blondeau-Sénart ; en 1858, l'Art
catholique Lyonnais
; en 1860, Rouillard ; en 1865, Vaucouleurs
; en 1874, Haussaire ; en 1886, Aillaud ; en 1892, Perret ; enfin en
1912, l'Art catholique, dont la vocation esthétique se voulait
en réaction contre le mouvement précédent.
Des maisons généralistes
peuvent avoir un catalogue spécifique consacré aux
objets religieux, d'autres spécialisées dans les
« ornements d'église » font un
peu de tout (chasublerie et lingerie, orfèvrerie et bronzes,
ameublements), enfin des maisons peuvent être spécialisées
à la fois dans le religieux et dans un domaine technique
(statuaire ou textile etc.). En outre, la répartition des
activités n'est pas toujours aisée à déterminer
car certaines maisons tendent à devenir des généralistes
fournissant non plus seulement leurs articles d'origine mais tous les
ornements d'église, à l'instar de Biais,
fabricant de chasublerie qui propose
ensuite bronzes, orfèvrerie et mobilier d'église.
La présence dans ce corpus d'une
importante documentation réunie sur les fondeurs est liée
aux études spécifiques menées par C. Chevillot,
L. de Margerie, Madame Robert-Dehault et les dépouillements de
l'Inventaire général du patrimoine culturel de Lorraine
par P. Léon. L'importance de la production en fonte de fer,
beaucoup plus diversifiée que
celle des spécialistes du
religieux, joue un rôle économique important, mais la
part de la production religieuse, quoique réelle, surtout pour
Ducel et ses successeurs, n'y est pas majoritaire. Nombre d'albums de
fonte d'art, tels ceux de Barbezat, limitent les pages religieuses,
le plus souvent situées à la fin du catalogue, à
la fonte d'ornementation principalement funéraire (grilles
d'entourages de tombes) ou aux appuis de communion.
Si les dates de
création s'échelonnent, les disparitions en revanche
traduisent l'évolution des sensibilités religieuses qui
précède et accompagne le concile Vatican II. Bien que
l'activité ait déjà diminué dans la
décennie précédente, c'est entre 1960 et 1965
que disparaissent Poussielgue, Biais,
Rouillard, Vendeuvre, l'usine de Tusey, et Vaucouleurs
(qui se maintient jusqu'en 1967 mais l'activité de statuaire
avait déjà cessé).
Permanence des modèles et tentatives de renouvellement
Outre les grandes lignes de l'évolution
chronologique, l'iconographie permet de tisser un lien entre la
diversité des matériaux et des fabriques. Pour la
statuaire, la parenté est indéniable entre les modèles
des fondeurs et les moules des statuaires puisque bien souvent les
uns s'adressent aux autres
pour leurs réalisations en fonte.
Ainsi Vaucouleurs
confie à Gasne (Tusey) la réalisation de la Vierge
monumentale de Notre-Dame de Sion (7m de haut)
Lorsque les chasubles et les bannières
sont ornées de sujets ou de scènes figuratives, les
saints et leurs attributs ou les grandes scènes de la Passion
reviennent avec la même prédilection. Les liens avec
l'imagerie devraient être précisés dans une étude
plus fine qui reste à mener. Les thèmes de dévotion
chers aux petites images ont certainement marqué l'inspiration
des fabricants comme le goût de leur commanditaire. Ces choix
sont assez différents de ceux des tableaux de catéchèse
ou encore des tableaux religieux du Salon ou des commandes pour les
églises. Le fonds de Vaucouleurs
témoigne de cette influence par la présence dans les
archives d'un grand nombre d'images et de feuilles hagiographiques
publiées par la Maison de la Bonne Presse. L'impression est
encore renforcée par le mode de traitement de la statuaire qui
reste très proche d'une figure en deux dimensions, la plupar>t
du temps présentée de face
avec des attributs très visibles pour en faciliter
l'identification. Un relatif anonymat des figures rend en général
les corps interchangeables.
La circulation des modèles et leur
permanence ont déjà été évoquées.
Certains sont de véritables best-sellers qui figurent au
catalogue de plusieurs fabricants. De nombreux modèles sont
repris aux maîtres du passé, ainsi le Christ
d'après Bouchardon, se retrouve en
fonte de fer dans les catalogues de bronze et d'orfèvrerie de
Biais et de Figaret,
au milieux des fontes de Gasne, Ducel, Val d'Osne, Durenne,
Ferry-Capitain, et en plâtre dans la statuaire de Raffl. Le
même constat peut être établi pour la peinture, le
saint Michel de Raphaël (Louvre), si
présent à la même époque sur les vitraux
du XIXe siècle, connaît également une diffusion
en ronde-bosse. A propos de cette œuvre, Cachal-Froc, qui se
défend de n'être qu'un vulgaire éditeur de
statuaire, souligne en 1895 que « le tableau a été
copié avec sincérité sans suppression des
difficultés d’exécution, comme cela se pratique généralement au détriments des œuvres. »
Cet appel à la tradition des maîtres
est ainsi présenté comme le plus sûr moyen de
rester fidèle au « goût chrétien »,
et donc de ne pas commettre d'erreurs dans des achats dont chacun
s'accorde à reconnaître la difficulté. Biais
affirme en 1875 que « l'importance et la difficulté
des achats d'ornements d'église ne sauraient échapper à
personne. Il faut choisir des objets d'une bonne durée, d'un
goût éprouvé ; il faut en approprier les formes
et les usages au rit romain, il faut enfin que le prix en soit
convenable et en rapport avec la qualité qu'on acquiert. »
Blondeau développe l'argumentation en 1898 :
« Nos prix très raisonnables
permettent aux paroisses disposant de moindres ressources de se
procurer à peu de frais de véritables œuvres
d'art. Tous nos modèles ont été conçus
dans les plus sérieuses données artistiques et l'esprit
chrétien le plus pur, leur reproduction avec un soin extrême
et la décoration dont nous les ornons est pour nous l'objet
d'une attention toute spéciale en nous inspirant de nos
maîtres du moyen âge ; ce qui fait dire que les statues
de Blondeau-Sénart et Cie qu'elles ont un charme religieux
incomparable et une valeur artistique incontestable. »
Cet ensemble de référence garantit le
« supplément d'âme » de ces objets
de série, les termes « religieux » et
« artistique » sont essentiels ici pour marquer
la différence de nature de ce produit qui emprunte au monde
industriel ses méthodes de fabrication mais cherche à y
échapper dans son résultat. Les procédés
de désignation et de rapprochement avec l'univers de l'art, et
avec la dimension cultuelle des œuvres, y contribuent alors
même que la mise en page du catalogue, le code des tarifs,
l'indication des dimensions et matériaux l'apparentent à
la commercialisation des objets usuels.
Outre cette communauté de
« sentiment religieux » dans l'inspiration,
d'autres caractéristiques marquent la production de série
de ces albums : la variété des dimensions, des
postures, des attributs, la diversité des matériaux
ainsi qu'un réel éclectisme dans le choix des modèles.
Ces caractéristiques visent toutes à permettre une
appropriation au plus juste par le commanditaire qui a le sentiment
d'avoir composé, selon ses goûts et ses moyens, une
statue ou un décor liturgique qui lui est propre. L'effort de
personnalisation et la
possibilité de choix vient
compenser l'uniformité des catalogues. Le dessin représenté
peut devenir un type à partir duquel sera proposée une
œuvre spécifique
; si le choix reste assez standardisé
dans la statuaire, les pièces d'orfèvrerie ou le grand
mobilier d'église sont plus souvent présentés
comme conçus pour une destination précise et reproduits
à titre d'exemple dont on peut s'inspirer. Les catalogues de
certaines grandes maisons mentionnent notamment les commanditaires
des maîtres-autels (voir les albums de Poussielgue, Chovet, et
Biais au début
du XXe siècle).
- Éclectisme des catalogues des années
vingt et trente
La multiplication des catalogues a
coïncidé, vers le milieu du XIXe siècle, avec
l'essor du décor néo-gothique favorisé notamment
par les dessins d'Arthur Martin pour Poussielgue et les commandes de
Mgr de Dreux-Brézé2.
Néanmoins, le souci de respecter la diversité des goûts
conduit la majorité des albums à proposer outre des
modèles de style XIIIe siècle, toutes sortes de choix
dits roman, gothique, XIVe siècle, Renaissance, et souvent
encore de style XVIIe ou XVIIIe siècle… afin d'offrir
une variété presque infinie de compositions.
Inversement,
l'inspiration médiévale reste présente jusque
dans les catalogues du début du XXe siècle. La
permanence des modèles témoigne de la constance d'un
certain goût de l'art religieux qui reconnaît à
des formes spécifiques une aptitude particulière à
servir le sacré et voit dans le Moyen Âge une référence
idéale. Au fil des années, l'effort de déclinaison
et d'adaptation aux attentes
des fidèles conduit à un
réel éclectisme. Alors que les calices néo-gothiques
voisinent encore avec des motifs Renaissance
ou baroques, on voit apparaître, dès les premières
décennies du XXe siècle, des pages de décors
dits « modernes » qui ne se substituent pas aux
modèles anciens mais viennent, en numérotation bis,
diversifier encore l'offre de la maison. Ce mélange de style
contemporain associé au maintien des formes
traditionnelles est, par exemple, net dans le catalogue de l'orfèvre
Favier en 1950 ; le même éclectisme domine pour la
statuaire dans les derniers catalogues Rouillard, qui font appel à
de nouveaux artistes sans pour autant exclure les œuvres de
Bourriché qui ont fait le succès de la maison.
D'autres maisons, sous l'influence notamment de la
fabrication belge, marquent plus nettement les nouvelles orientations
de l'art sacré en faveur de formes plus épurées.
Les catalogues Cabaret, Cheret rendent compte des évolutions
de ce renouveau de l'art liturgique qui ouvre sur un autre temps.
- Variation des dimensions
L'existence de déclinaison du plus
petit au plus grand, qui peut aller jusqu'à dix hauteurs pour
un modèle d'ostensoir, est particulièrement marquante
dans le cas de la statuaire. Elle varie de la petite statuette à
manipuler jusqu'au décor monumental et ce y compris chez les
fondeurs, qui proposent des Christ
et des Vierge allant
de 30 ou 50 cm de haut à 1,50m ou 3 m.
- Diversité des postures et des matériaux
Qu'il s'agisse des statues, des objets
liturgiques, ou du vestiaire, la déclinaison est presque
infinie. Tous les catalogues proposent un même modèle
avec un décor plus ou moins riche, une matière plus ou
moins coûteuse et, pour l'orfèvrerie, avec ou sans
émaux, etc., pour la
statuaire un nombre d'attributs plus ou moins important et des
postures différentes à partir d'un même corps
d'origine. En effet, alors que les figures de base sont relativement
anonymes et faciles à permuter pour obtenir de nouveaux
sujets, les attributs sont d'autant plus importants qu'ils assurent
l'essentiel de l'identification du personnage et en marque le
caractère permanent tandis que la posture permet de varier les
représentations d'un même thème. Les saints sont
ainsi présentés avec ou sans couronne, bras ouverts ou
fermés, accompagnés ou non d'enfants ou d'agneaux selon
leurs attributions, debout, assis ou sur un piédestal, les
yeux peuvent être en émail, le décor
vestimentaire rehaussé
d'or ou de couleur.
Les objets liturgiques se déclinent
pour l'essentiel dans des matières nobles (or, argent, argent
doré, vermeil, bronze pour certains objets et les luminaires)
et les succédanés apparaissent principalement dans les
autres domaines. Pour le textile, les fausses dorures se répandent
tellement que certaines maisons protestent et rappellent l'obligation
faite par le rit romain d'utiliser de vrais fils d'or (tel le
catalogue de l'orfèvre Bent de 1861). Dans la statuaire et le
mobilier, le faux et le simili se multiplient pour donner l'effet du
chêne, du bronze doré, de l'ivoire, de la pierre grâce
à des matériaux meilleur marché, plus résistants
ou plus légers pour l'exportation et notamment pour la
clientèle missionnaire. Ce règne de l'apparence conduit
à une réelle inventivité dans les compositions
et plusieurs maisons s'enorgueillissent d'une spécialité
dans une matière particulière. Ainsi en 1898, Blondeau,
Sénart et Cie soulignent qu'ils sont « exclusivement
propriétaires » de ce qu'ils nomment
« pierre factice » qui « imite la
pierre véritable dont elle possède les qualités
sans avoir les défauts. »
En 1901,
Duflo-Lotigie vante de la même manière différentes
matières comme la « matière plastique : très
fine, jolie à l'œil se lave facilement ; le plâtre
durci : très solide recommandé pour les décors ;
le staff ou carton romain : matière très légère
spéciale pour l'exportation et pour
les églises humides, le ciment métallique
: composition spéciale pour
extérieur, seule matière qui résiste contre
toutes les intempéries. »
En 1906, la notice du catalogue
Raffl rappelle que « le carton romain est la spécialité
de la maison, et qu'il remplace avantageusement le carton pierre. »
Enfin
en 1913, le catalogue Puccini précise que « depuis
plusieurs années, la Maison
n'emploie que du carton romain comprimé, (composition spéciale
de la Maison) qui garantit finesse, légèreté,
résistance aux chocs des transports, résistance
indéfinie à l'humidité. Pour les décors,
les peintures sont faites à l'huile épurée,
elles peuvent être lavées sans risque d'altérer
la fraîcheur ou le coloris. »
Liens internationaux
Le corpus comprend huit maisons étrangères
: deux en Allemagne : Fulda (orfèvre W. Rauscher, dont le
catalogue paraît en trois langues, et pour lequel de nombreux
objets ont été identifiés par l'Inventaire en
Alsace et Lorraine) et la fonderie Wasseralfingen, trois maisons
brésiliennes qui ont fait imprimer leurs catalogues en France,
deux maisons établies à New York, un fabricant anglais
et un belge.
Témoignage de curiosité pour
la concurrence étrangère ou signe des liens avec
l'étranger, cette production d'art sacré catholique se
veut universelle par essence. Les missions constituent un premier
débouché à l'étranger, aussi plusieurs
maisons importantes font-elles imprimer leurs catalogues en plusieurs
langues. Les exemples de réalisations données par
Chovet, ou par le maître verrier Gesta, prouvent l'importance
des commandes internationales. Biais
donne également vers 1900 plusieurs exemples de maîtres-autels
réalisés en Amérique du Sud.
Plusieurs maisons éditent des catalogues à
destination de l' étranger :
- Oliva, tarif en anglais pour les Etats-Unis dans les années 1910,
- Biais édite un catalogue en espagnol et en anglais, est présent à l'Exposition universelle de Chicago, en 1893, qui signale la supériorité de ses broderies. Une maison de vente est ouverte à New York, puis des succursales à Bruxelles et à Montréal.
- Chovet, qui réalise des œuvres pour des pays étrangers, s'en glorifie en publiant la liste des chemins de croix livrés en Alsace-Lorraine, Afrique, Allemagne (peu), Amérique, Angleterre, Autriche, Belgique, Chine, Egypte, Espagne, Etats pontificaux, Italie, Japon (1), Monaco, Océanie, Pologne, Portugal, Russie (1), Suisse, Tonkin (1), Turquie.
- Cachal-Froc signale des agences à l'étranger : New York, Chicago, Barcelone, Madrid, Adelrich Benzinger et Cie à Einsiedeln (Suisse) pour la Suisse, l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie.
- Vendeuvre est largement diffusé au Canada et aux Etats-Unis par Stolzenberg (New York). La statuaire de Vendeuvre a été créée pour concurrencer le style de Munich et le goût allemand qui faisait le succès en France de certains fabricants tels Mayer mais que les puristes trouvaient trop chargé. Le succès de Vendeuvre puis de Vaucouleurs n'empêche pas la concurrence italienne de se faire sentir à son tour. Raffl en témoigne même s'il a tempéré son style en rachetant de nombreuses maisons françaises réunies ensuite sous l'appellation La Statuaire religieuse.
D'autres exemples sont donnés par les maisons
Marchi ou la maison Puccini qui diffusent leur catalogue avec des
explications et tarifs en français, anglais, espagnol.
Ce bref survol des caractéristiques
des catalogues appelle des études plus fines par secteur
d'activité et par fabricant afin de cerner les contours de cet
art de série, aujourd'hui décrié, mais qui eut
une part non négligeable dans l'activité industrielle
de luxe et de semi-luxe de
la France du XIXe siècle, comme dans la diffusion de modèles
de l'art savant et les fluctuations du goût. Sans entrer dans
une recherche de longue haleine, la sauvegarde des catalogues
existants et leur mise en ligne permet de compenser le peu d'archives
laissées par la majorité de ces fabricants. Le
caractère répétitif de ces albums masque parfois
de véritables créations qui accompagnent l'essor du
style néo-gothique ou la volonté de retour à des
formes plus épurées et suivent de près
l'évolution des dévotions.
Isabelle Saint-Martin
École Pratique des Hautes Études
1 Le décompte a retenu les maisons par nom (sans distinguer à l'intérieur d'un même nom les raisons sociales différentes (frères, et cie) qui marquent une succession dans une même famille. En revanche le changement de nom conduit à compter deux fois la société (il s'agit alors bien de deux sociétés différentes).
2 Voir la thèse de B. Berthod et les actes du colloque L'Orfèvrerie au XIXe siècle, dir. C. Arminjon, 1994.